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Le Loup, la Mère et l'Enfant

 Ce Loup me remet en mémoire

Un de ses compagnons qui fut encor mieux pris.

Il y périt ; voici l'histoire.

Un Villageois avait à l'écart son logis.

Messer Loup attendait chape-chute à la porte.

Il avait vu sortir gibier de toute sorte :

Veaux de lait, Agneaux et Brebis,

Régiments de Dindons, enfin bonne Provende.

Le larron commençait pourtant à s'ennuyer.

Il entend un enfant crier.

La mère aussitôt le gourmande,

Le menace, s'il ne se tait,

De le donner au Loup. L'Animal se tient prêt,

Remerciant les Dieux d'une telle aventure,

Quand la Mère, apaisant sa chère géniture,

Lui dit : Ne criez point ; s'il vient, nous le tuerons.

- Qu'est ceci ? s'écria le mangeur de Moutons.

Dire d'un, puis d'un autre ? Est-ce ainsi que l'on traite

Les gens faits comme moi ? me prend-on pour un sot ?

Que quelque jour ce beau marmot

Vienne au bois cueillir la noisette !

Comme il disait ces mots, on sort de la maison :

Un chien de cour l'arrête. Epieux et fourches-fières

L'ajustent de toutes manières.

Que veniez-vous chercher en ce lieu ? lui dit-on.

Aussitôt il conta l'affaire.

Merci de moi, lui dit la Mère,

Tu mangeras mon Fils ! L'ai-je fait à dessein

Qu'il assouvisse un jour ta faim ?

On assomma la pauvre bête.

Un manant lui coupa le pied droit et la tête :

Le Seigneur du Village à sa porte les mit,

Et ce dicton picard à l'entour fut écrit :

Biaux chires Leups, n'écoutez mie

Mère tenchent chen fieux qui crie.

 

 

— Jean de La Fontaine —

Recueil I - Livre 4 - Fable 16

Les fables de Jean de La Fontaine