Arrière ceux dont la bouche souffle le chaud et le froid
Au fond d’un antre sauvage,
Un satyre et ses enfants
Allaient manger leur potage
Et prendre l’écuelle aux dents.
On les eût vus sur la mousse
Lui, sa femme et maint petit ;
Ils n’avaient tapis ni housse,
Mais tous fort bon appétit.
Pour se sauver de la pluie,
Entre un passant morfondu.
Au brouet on le convie :
Il n’était pas attendu.
Son hôte n’eut pas la peine
De le semondre deux fois ;
D’abord avec son haleine
Il se réchauffe les doigts.
Puis sur le mets qu’on lui donne
Délicat il souffle aussi ;
Le satyre s’étonne :
« Notre hôte, à quoi bon ceci ?
L’un refroidit mon potage,
L’autre réchauffe ma main.
Vous pouvez, dit le sauvage,
Reprendre votre chemin.
Ne plaise aux deux que je couche
Avec vous sous même toit.
Arrière ceux dont la bouche
Souffle le chaud et le froid ! »