Recherches avancées
Imprimer

L'Âne et le Chien

 

Il se faut entraider, c'est la loi de nature :

L'Ane un jour pourtant s'en moqua :

Et ne sais comme il y manqua ;

Car il est bonne créature.

Il allait par pays accompagné du Chien,

Gravement, sans songer à rien,

Tous deux suivis d'un commun maître.

Ce maître s'endormit : l'Ane se mit à paître :

Il était alors dans un pré,

Dont l'herbe était fort à son gré.

Point de chardons pourtant ; il s'en passa pour l'heure :

Il ne faut pas toujours être si délicat ;

Et faute de servir ce plat

Rarement un festin demeure.

Notre Baudet s'en sut enfin

Passer pour cette fois. Le Chien mourant de faim

Lui dit : Cher compagnon, baisse-toi, je te prie ;

Je prendrai mon dîné dans le panier au pain.

Point de réponse, mot ; le Roussin d'Arcadie

Craignit qu'en perdant un moment,

Il ne perdît un coup de dent.

Il fit longtemps la sourde oreille :

Enfin il répondit : Ami, je te conseille

D'attendre que ton maître ait fini son sommeil ;

Car il te donnera sans faute à son réveil,

Ta portion accoutumée.

Il ne saurait tarder beaucoup.

Sur ces entrefaites un Loup

Sort du bois, et s'en vient ; autre bête affamée.

L'Ane appelle aussitôt le Chien à son secours.

Le Chien ne bouge, et dit : Ami, je te conseille

De fuir, en attendant que ton maître s'éveille ;

Il ne saurait tarder ; détale vite, et cours.

Que si ce Loup t'atteint, casse-lui la mâchoire.

On t'a ferré de neuf ; et si tu me veux croire,

Tu l'étendras tout plat. Pendant ce beau discours

Seigneur Loup étrangla le Baudet sans remède.

Je conclus qu'il faut qu'on s'entraide.

 

 

— Jean de La Fontaine —

Recueil II - Livre 8 - Fable 17

Les fables de Jean de La Fontaine