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Jupiter et le Passager

 

O combien le péril enrichirait les Dieux,

Si nous nous souvenions des voeux qu'il nous fait faire !

Mais, le péril passé, l'on ne se souvient guère

De ce qu'on a promis aux Cieux :

On compte seulement ce qu'on doit à la terre.

Jupiter, dit l'impie, est un bon créancier :

Il ne se sert jamais d'Huissier.

Eh ! qu'est-ce donc que le tonnerre ?

Comment appelez-vous ces avertissements ?

Un Passager, pendant l'orage,

Avait voué cent boeufs au vainqueur des Titans.

Il n'en avait pas un : vouer cent Eléphants

N'aurait pas coûté davantage.

Il brûla quelques os quand il fut au rivage.

Au nez de Jupiter la fumée en monta.

Sire Jupin, dit-il, prends mon voeu ; le voilà :

C'est un parfum de Boeuf que ta grandeur respire.

La fumée est ta part : je ne te dois plus rien.

Jupiter fit semblant de rire ;

Mais après quelques jours le Dieu l'attrapa bien,

Envoyant un songe lui dire

Qu'un tel trésor était en tel lieu. L'homme au voeu

Courut au trésor comme au feu :

Il trouva des voleurs, et n'ayant dans sa bourse

Qu'un écu pour toute ressource,

Il leur promit cent talents d'or,

Bien comptés, et d'un tel trésor :

On l'avait enterré dedans telle Bourgade.

L'endroit parut suspect aux voleurs, de façon

Qu'à notre prometteur l'un dit : Mon camarade,

Tu te moques de nous, meurs, et va chez Pluton

Porter tes cent talents en don.

— Jean de La Fontaine —

Recueil II - Livre 9 - Fable 13

Les fables de Jean de La Fontaine